Arrivée de Dame Jusoor et du Sire Orantes de Volvent

La main blanche lissait machinalement les plis qui se dessinaient sur le velours de la houppelande, quand la voix de l'homme qui partageait le coche parvint une nouvelle fois aux oreilles de la dite Moineaute.

Hum ? Regard interrogatif posé sur un Orantes tout sourire. Non, non tout va bien Orantes, nulle inquiétude à avoir. Et sans un mot de plus, le regard bleu se détourne aussitôt pour se perdre à nouveau dans le tissu mauve pâle qui lui tient tête et se révolte à chaque nouveau soubressaut du coche. Décidément elle ne s'habituait pas à cette politesse excessive dont il faisait preuve, particulièrement à son égard... Le silence s'invita à nouveau entre eux, insidieux.

Un observateur aurait pu deviner dans cet intérêt que portait Ju à ses robes un ennui profond. Probable. Mais pas évident. L'esprit de Ju était aussi bien occupé : serait-elle suffisamment élégante dans ce décor fait de toilettes de haute qualité fort exquisement travaillées ? devra-t'elle charmer son père pour s'en faire offrir de telles ? ou bien un autre ? Le paternel Blanc Combaz sera-t'il à la hauteur des exigences de Della ? Ju sourit à cette pensée. Le mariage de la Renarde était déja un évènement en soi et Ju était heureuse de pouvoir y assister et lui exprimer de vive voix, le moment venu, ses voeux de bonheur. Ensuite voir Eusaias témoin de la mariée c'était la cerise et ça piquait sacrément la curiosité de la Moineaute. Le sourire discret jusqu'ici dévora alors le visage entouré de mèches noires.

Elle avait pourtant bien d'autres choses à penser que ces futilités, comme son probable état d'"Infréquentable", mais avouons le, c'était beaucoup moins plaisant. L'homme qui avait su créer un tel doute se tenait justement à son côté. Ju détourna le regard vers lui et l'observa alors qu'il avait le regard porté vers les grilles du Domaine. Le sourire enjoué s'effaça.
A la première invitation d'Orantes, Ju avait été soufflée de liesse. Rien ne servait à ce qu'elle se le cache effrontément, elle aimait les moments partagés avec lui. Jusque ce fameux soir où l'insinuation, l'insulte presque avait à peine été dissimulées. Une gifle pour Ju. Le nouveau crissement sous les roues du coche révéla qu'il était en train de remonter l'allée. Avant qu'il ne prenne à l'homme l'idée de se tourner vers elle pour exprimer sa joie d'être arrivé, Ju reprit bien vite son étude des plis de sa houppelande. Maintenant elle était là, beaucoup plus tiède qu'à la première invitation. Elle attendrait de voir.

L'attelage enfin s'arrêtait. Alors que le cocher ouvrait la porte, Ju perçut les quelques mots qu'il souffla à Orantes en désignant la chapelle non loin :

M'ssire, l'agitation est d'vant la chapelle. J'ai même cru voir en arrivant l'mariée à l'porte de l'église. Sans doute devriez-vous hâter la Dame...

... est Dame Jusoor fille du témoin...

Hum ? Réflexe naturel de relever le visage quand on entend son nom être prononcé. Non pas que Ju était encore en train de rêver, elle était juste cramponnée aux montants du coche, concentrée pour en descendre sans incident, faute d'une main secourable. De sa main libre, elle releva légèrement ses jupes, juste assez pour ne pas avoir à s'empêtrer dedans et perdre l'équillibre.
Les deux pieds à terre enfin, elle riva son regard dans celui de l'homme qui demandait contrôle.

Jusoor de Blanc Combaz, fille du Baron de Digoine. Nous prenons votre tache très au sérieux Messire, mais...*se hissant sur la pointe des pieds*, vous conviendrez que nous sommes affreusement en retard. C'est hélas un fait avéré... dit-elle avec une moue, en observant les gens qui se massaient dans la chapelle. Reprenant une position naturelle elle poursuivit :

Vous ne nous en voudrez donc pas de vous abandonner ici, tandis que vous recherchez nos noms sur votre liste ? Sourire résolument charmant pour ponctuer la politesse et Ju s'empara de la main d'Orantes. Il était plus facile de hater le pas main dans la main que bras sous le bras.