La donner, en revanche, était une toute autre affaire.
Aranelle du Ried, d'une naissance honorable et plutôt bien dotée, était, pour le jeune célibataire - ou le vieux sénile en mal d'héritier - l'enjeu de ces joutes. Il s'agissait non seulement de la présenter, mais aussi et surtout de la montrer comme la pucelle à marier qu'elle était.
Si la blonde Dame de Cheny avait un pedigree certain, elle se montrait franchement difficile à satisfaire, au point que lui laisser le choix de son époux s'était révélé une idée très mauvaise. Les Ducs de Chartres avaient déjà largement puisé dans leurs rentes pour elle, et il était temps d'en finir : pas moins de trois prétendants rejetés, dont un devant l'autel après que les Vicomtes de Montpipeau se soient ruinés pour une cérémonies franco-impériale fastueuse. L'affaire avait tourné en eau de boudin à tel point que Keridil avait fait une fluxion de poitrine dans les jours suivants. Dieu merci, il ne s'était alors pas rendu compte que sa femme avait profité du trouble de l'assemblée pour lui faire une légère infidélité : il en serait mort.
Dans la cour du château de Chartres, un haut dais avait été dressé, sous lequel trois sièges de bois attendaient les séants des Ducs de Chartres et de leur vassale. Là, les concurrents désireux de négocier la dot de la vendue viendraient chercher ses couleurs pour se battre en son honneur.
C'était simple comme bonjour, et l'on se débarrasserait aisément de la fille du Pair qui avait fait une affaire certaine en la laissant aux mains des Amahir. Lui n'avait qu'à approuver. C'était un moindre mal.
Allez me chercher la Duchesse de Chartres et la Dame de Cheny, et faites savoir aux jouteurs désireux d'honorer la Dame de se présenter ici.