Sous la visière un peu désuète, le regard délavé se plante sur l’oriflamme qui bat en haut de la plus proche tour.
Deux talons de fer poussent la lourde monture en avant, d’un pas lent, jusqu’à l’extreme bord du pont-levis.
Négligeant les regards inquisiteurs de la garde, l’homme descend lentement, dans le crissement métallique de la vieille armure, passée de mode mais parfaitement entretenue. Au baudrier pend une longue et large épée, l’une de celles que les jeunes n’utilisent plus guère, affreusement lourde mais terriblement meurtrière.
C’est pourtant sur une autre arme que se pose le gantelet de l’homme, pour la détacher de du pommeau de sa selle, et la démailloter du linge poussiéreux qui la protège. La lame est nue, nul fourreau ne la protège, et le soleil glisse sur son polissage parfait, n’accrochant que les mots finement gravés dans l’acier : « Æquam memento servare mentem » d’un coté, « Soyez heureuse, chaque jour et pour l’éternité », de l’autre.
Presque comme un gamin, il effectue deux ou trois moulinets avec l’épée, qui lui semble être un jouet, mais qui n’en est pas moins redoutable, bien maniée. L’heure n’est pas à l’amusement, et il reprend son sérieux, pour s’approcher de l’une des bottes de paille qui marquent le bord du chemin. De là, il perçoit l’agitation qui règne à l’intérieur, signe qu’il ne s’est décidemment pas trompé de lieu.
Sous le nez d’un garde, qu’il ignore superbement, sans mépris mais sans la moindre empathie, il plante l’épée dans la paille, avant de glisser autour de la poignée garnie de cuir fauve un simple collier de corde, auquel est passée une pierre percée, gravée de trois mots.
Sa mission accomplie, il se tourne vers les hommes d’armes :
Faites que ceci soit remis à la mariée.
Puis il se hisse en selle, tourne bride et s’éloigne, du même pas lent qu’il est arrivé.